Sunday, November 27, 2005

Alain Finkielkuraut. Francia, escuela, árabes, Occidente, Odio, Terror y Medios de incomunicación de masas ante la Violencia

Alain Finkielkuraut ha explicado a Le Monde (www.lemonde.fr., online de pago) la frase que Haarez le atribuye: “Un arabe qui incendie une école, c'est une révolte ; un blanc, c'est du fascisme”.

Así matiza AF sus posiciones sobre el vandalismo, la proliferación criminal del Odio, el Terrorismo, la violencia suburbana en Francia, y el comportamiento de los medios de desinformación de masas:

LE MONDE | 26.11.05 | 14h52 ? Mis à jour le 26.11.05 | 14h52

Propos recueillis par Sylvain Cypel et Sylvie Kauffmann

Article paru dans l'édition du 27.11.05


----Pourquoi ne vous reconnaissez-vous pas dans le compte rendu qu'a fait Le Monde de vos propos parus dans le journal israélien Haaretz,lequel les a comparés à ceux d'"un militant du Front national" ?

----Le personnage que désigne cet article m'inspire du mépris, et même du
dégoût. Je ne suis pas ce frontiste excité nostalgique de l'épopée
coloniale. J'essaie seulement de déchirer le rideau des discours
convenus sur les événements actuels. Lui, c'est lui, et moi c'est moi. A
ma grande stupeur, depuis mercredi, nous portons le même nom.

Ce qui m'inquiète, c'est la désafiliation nationale. Je dis donc
effectivement que lorsque certains jeunes émeutiers évoquent entre eux
"les Français", nous sommes perdus. J'ajoute que certains juifs aussi
succombent à cette tentation. Je leur réponds : "Si votre présence ici
ne relève que de l'utilité, soyez honnêtes avec vous-même : vous avez
Israël." Moi, quand j'entends "les Français", je suis indigné. La
phrase incriminée doit être remise dans cette perspective. Si, pour ces
jeunes des cités, la France n'est qu'une carte d'identité, eux aussi ont
le droit de partir. Mais je sais que ce n'est pas une possibilité et je
le dis dans l'entretien.

----Vous êtes enfant d'immigré. Ne pouvez-vous imaginer que dire "les Français" relève d'un rapport plus complexe que l'utilitarisme ? Du souci de préserver une identité sans remettre en question la volonté
d'insertion?


----Oui, mon père aussi, venu de Pologne, disait "les Français". Il en
avait le droit. Mais j'ai toujours pensé que cette façon d'être n'était
pas transmissible. Moi, je refuse cette posture. Or ces jeunes sont,
comme moi, nés en France. Je leur demande la même cohérence.

----Que contestez-vous dans les propos qui vous ont été attribués?

----Il y une chose que je ne reprends en aucune façon à mon compte, c'est
l'idée que les Lumières apportaient la civilisation à des "sauvages".
Ce mot ne fait pas partie de mon vocabulaire. L'intention des Lumières
est équivoque. Cette équivoque doit nous garder de tout alignement du
colonialisme sur une entreprise purement criminelle. Intégrer des hommes
dans la catholicité des Lumières est autre chose qu'une volonté
d'extermination. Cela peut avoir, ici ou là, des effets positifs. C'est
tout ce que je voulais dire.

Comme Occidental confronté à l'ère du vide, je n'ai aucun esprit de
supériorité. Mais je suis inquiet devant la montée des nouvelles
revendications de mémoires. On demande, quelquefois pour soigner les
blessures identitaires, un nouvel enseignement de l'esclavage et de la
colonisation. Pourquoi pas ? Sauf que cette demande se formule de plus
en plus comme un "droit à la Shoah". Comme si, pour résoudre une
terrible compétition des mémoires, il fallait "élargir" la Shoah. Dès
lors, la colonisation ne devient plus qu'un crime contre l'humanité. Or
elle fut "ambiguë", comme a écrit Claude Liauzu, et ne se ramène pas à
ses seuls crimes.

----Prenons deux citations : /"Qu'a fait ce pays aux Africains ? Que du bien", et "l'esclavage n'était pas une Shoah, pas un crime contre
l'humanité"/. Ne vous situez-vous pas vous-même dans la /"concurrence
des victimes"?


----Bien entendu, les traites négrières sont un crime contre l'humanité. Et
oui, il y a une part criminelle dans la colonisation. Si je devais
l'enseigner, je commencerais par Au coeur des ténèbres, de Joseph Conrad.

Mais elle n'était pas que cela, et il devient chaque jour plus difficile
de le dire. Quant à l'esclavage, on traite de négationniste quiconque
ose rappeler que l'Occident n'en est pas seul responsable, qu'il y a eu
des traites internes à l'Afrique et orientales. Si l'Occident a une
spécificité, par-delà ses crimes, c'est l'abolitionnisme. Pour ce qui
est des Africains auxquels la France n'a fait "que du bien", je
parlais des immigrants récents et je les comparais à mon père, déporté
par Vichy. Le modèle de la Shoah plane désormais sur toutes les horreurs
collectives. Cette concurrence des victimes doit être combattue sans
répit. On ne réconciliera pas les Noirs, les juifs et les Arabes sur le
dos de la vérité. Parler comme les "Indigènes de la République" est
détestable.

----La clé des émeutes dans les cités est, à vos yeux, qu'elles ont été le fait non pas de "jeunes" indéterminés, mais de Noirs et d'Arabes musulmans?

----Face à ce grand saccage, la France est divisée en deux partis : celui de
la compréhension et celui de l'indignation. Le parti de la compréhension
est celui qu'on entend le plus. Certains vont jusqu'à célébrer la
multitude insurgée. La plupart veulent décharger les émeutiers de leurs
responsabilités en assignant leurs actes à un urbanisme effrayant, à
l'isolement, au chômage, aux "provocations" du ministre de l'intérieur,
au racisme endémique. Je pense qu'il n'y a pas de lien de cause à effet
entre la misère sociale réelle des quartiers et l'incendie des écoles.
Pourquoi cet acharnement contre les symboles républicains ? Nous devons
admettre qu'un certain nombre de gens vivant en France détestent ce pays.

----Le nombre d'arrestations et la hausse de la popularité du ministre de l'intérieur ne vont pourtant pas dans le sens de la "compréhension" à l'égard des émeutiers.

----Je ne ferai aucune concession au politiquement correct. Chaque jour, les
"Guignols de l'info" font jouer à M. Sarkozy le rôle de l'ennemi absolu
pour qui tous les Arabes sont des voleurs et les Noirs des racailles. Il
clame le contraire, mais c'est ce que les jeunes des banlieues regardent.

----Les policiers, les éducateurs n'ont pas constaté de revendication religieuse. De même, on trouve des Français "de souche" parmi les jeunes condamnés. D'où tenez-vous qu'il s'agit d'une révolte
/"ethno-religieuse" /?


----D'accord, la religion n'a pas joué comme religion, mais comme référence
identitaire. Mais votre question m'étonne. L'antiracisme contemporain
est ubuesque. Il m'est reproché de parler de l'origine des émeutiers. Or
ceux qui m'accusent sont les mêmes à prôner la lutte contre les
discriminations raciales. Si nous n'avions eu affaire qu'à un problème
purement social, il serait traité comme tel. Je ne nie nullement
l'existence du racisme subi par ces jeunes.

La question que je pose s'adresse à notre ultime utopie, qu'il y a
quelques mois encore Le Monde défendait avec panache : le métissage.
On pensait que la réponse au racisme, c'est une société multiraciale. Or
une société multiraciale peut être aussi une société multiraciste. Je
sais que mon propos est scabreux. Disons les choses clairement : des
Français de souche ont aussi participé aux émeutes, mais le gros était
constitué de jeunes d'origine africaine et nord-africaine. Toute
généralisation est abusive. Le racisme, c'est la généralisation. Mais,
maintenant, l'antiracisme risque de devenir une prophétie autoréalisatrice.

Il faut compter aujourd'hui avec une haine de l'Occident dans le monde
arabo-musulman qui a des retombées françaises. Mais, bien sûr, il y a
aussi des causes à chercher en nous-mêmes. Elles résident dans le vide
spirituel de nos sociétés. Ces adolescents ennemis de notre monde en
sont aussi la caricature ultime. Ce n'est pas par hasard qu'ils veulent
détruire les écoles. Nous vivions dans une société où l'utilité et
l'immédiateté ont aboli l'humanisme.

De plus en plus de gens considèrent que l'école est là pour donner du
boulot. L'idée que l'enseignement est à lui-même sa propre finalité ne
fait presque plus sens. Dès lors, saccager une école qui ne vous
garantit rien devient compréhensible.

----La révolte ne serait donc pas due aux difficultés d'insertion de ces jeunes, mais à leur rejet intrinsèque du "modèle français"?

----Il n'y a pas que du rejet. D'une certaine façon, ils sont aussi
l'avant-garde de ce comportement général de plaignant et d'ayant droit
frustré. L'école, c'est le droit au diplôme ; le diplôme, le droit au
travail... Il y a là comme un rapport syndical à la réalité, pur produit
d'un monde sans repères. Dans les cités, ceux qui jouent le jeu
républicain se font traiter très souvent de "bouffons".

----Vous dites à /Haaretz /que vos propos, vous ne pourriez les tenir en France. Que peut-on dire à l'étranger qu'il est impossible de dire ici?

----Il est très difficile en France de résister à un discours convenu qui
réduit les événements actuels aux seules questions d'inégalités et de
discriminations.

----Si, comme vous le pensez, "le modèle républicain s'est effondré dans ces émeutes, mais le modèle multiculturel ne va pas mieux", faut-il conclure à l'impossibilité d'intégrer les populations noires, arabes et
musulmanes?


----Cette intégration est notre obligation. Mais la solution ne réside pas
dans la stigmatisation incessante de notre pays. On n'intégrera jamais
des gens qui n'aiment pas la France dans une France qui ne s'aime pas.
Et il faut commencer par réhabiliter l'école. Si la langue française ne
reconquiert pas ce territoire perdu qu'est le parler des banlieues,
alors, oui, la discrimination à l'embauche et au logement s'aggravera.
Dire cela est caractérisé aujourd'hui comme du racisme !

----Pour éviter toute incompréhension, la solution ne serait-elle pas de voir publier en français l'intégralité de l'interview de Haaretz?

----Il faudrait qu'on m'entende avant de me condamner. Lorsque j'évoque
l'équipe de France de football, je rappelle qu'au match France-Algérie,
La Marseillaise a été sifflée. Ces sifflets n'étaient pas
antiracistes, mais racistes, puisqu'ils visaient une équipe
"black-blanc-beur". Après, je dis que cette équipe est devenue
"black-black-black", et quelque chose comme "cela fait rire tou te
l'Europe". C'est une référence sans méchanceté aux séquelles heureuses
du colonialisme et un écho au sourire de mon père quand il notait que
les joueurs de l'équipe de France des années 1950 s'appelaient Kopa,
Cisowski et Ujlaki et que les Français manquaient à l'appel.

Je suis un supporteur de l'équipe de France. Je vénère Zidane, le
joueur. Mais je n'ai pas été compris. Je ne pense pas un instant que
l'humanité ait jamais été divisée entre civilisés et sauvages. Ce point
de l'article, je le nie complètement. Le reste, avec les précisions que
j'ai essayé de donner, je l'assume.

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